Une journée de plein contentement

Publié le par Marc

Une journée de plein contentement

C’est une journée des plus ordinaires. Quoi de plus routinier que de me rendre quotidiennement à mon travail. Mais en quel mode pourrais-je m’y rendre ? En mode ronchon, rouspéteur, pas réveillé, ou bien en mode « contentement » ? Je choisis ce dernier mode.
Je pars donc à mon travail et me retrouve comme chaque matin dans ma voiture, sur mon vélo, à pied ou dans les transports publics. Je prends conscience de mon corps et du paysage défilant sous mes yeux. Que je me fasse transporter ou que je conduise, j’apprécie cela, juste cela, sans en demander plus. Tout est là. Mes jambes me portent, mes mouvements sont parfaitement synchronisés, mon estomac digère mes biscottes grillées du matin sans que j’aie à m’en soucier, mes cellules se régénèrent... Bref, mon cerveau reptilien en bon gestionnaire s’occupe de tout.
Je prends le temps de distinguer toutes les forces et les rouages qui rentrent en jeu dans le simple mouvement de mes bras. Cette expérience m’a fait comprendre combien le corps est une merveilleuse machine quand elle marche bien. J’apprécie cela.
Je me pose la question suivante : au lieu de courir sans cesse après tout et n’importe quoi, ne vaut-il pas mieux que je désire ce que j’ai déjà ? Me contenter de ce que j’ai ou de ce que je suis à la minute où je vis ? Cela, juste cela. Cela même qui se présente en moi, devant moi, autour de moi.
Je pense alors à ces sages bouddhistes qui prônent cette philosophie. Assis sur mon siège de bus ou au volant de ma voiture, je prends conscience du « cela ». Je note ma seule présence et tout ce qui s’offre à moi en ce moment. Rien que cela peut me combler, là, tout de suite, sans que j’aie à me projeter vers un hypothétique bonheur. Comment suis-je en cette minute même ? Comment me sens-je ? Manque-t-il quelque chose ? J’oublie mon mental, qui lui va forcément me faire l’inventaire de mes manques, surtout les plus vénaux. Je reviens à l’essentiel et je dois bien dire que là, simplement assis, il ne me manque rien. Je respire, mon corps fonctionne à merveille, je n’ai ni trop froid ni trop chaud, mon ventre est plein ; alors, qu’est-ce que j’attends pour vivre, vraiment vivre ?

Une journée de plein contentement

La vie est formidablement simple, il suffit de se laisser porter par le courant et ne pas perdre son temps à en vouloir plus et à tout vouloir maîtriser. Quand nous aurons compris que le bonheur est d’une incroyable simplicité, alors, nous serons heureux.
Je repense à l’histoire de ce petit vieux japonais qui ayant sauté du haut d’une chute d’eau dans une rivière en crue, avait rejoint par miracle la berge sain et sauf. Devant l’étonnement et l’admiration de ses pairs pour ses qualités de nageur, le petit vieux avait répondu :
« Je ne sais pas nager. Je me suis simplement aperçu que si je lance un morceau de bois dans l’eau à cet endroit précis, le courant l’amène nécessairement sur la rive. Donc je saute, je me laisse emporter et j’arrive sur le sable, c’est tout. »
Cette belle histoire invite à s’abandonner au simple courant de la vie. Cela peut paraître un peu naïf, rien ne nous tombe du ciel, nous dit-on, mais quelque chose me dit que lâcher prise est bien plus difficile que de combattre, et que c’est parfois le choix le plus courageux que l’on ait à faire.
S’abandonner sans abandonner ; lâcher prise sans abandonner, là, est toute la subtilité. J’y vois une détermination tranquille. Celle d’abandonner l’abandon, de lâcher le lâcher-prise. Autant de subtilités qui permettent d’embrasser la vie, de la célébrer et d’en apprécier sa gratuité, sans effort ni pugnacité, juste apprécier l’instant de vie qui est offert.
J’aime à ressentir pleinement le message du poète Christian Bobin, disant :
« Avoir confiance dans cette vie (qui par ailleurs est si dure) c’est avoir l’intuition qu’on ne fera pas de mal à ce qui vous est le plus cher et que vous n’arrivez pas à nommer. Dans le profond, on n’est pas en danger. Dans le profond de la vie qui n’est pas le monde, il n’y a rien de dangereux. C’est mon sentiment. Il varie, il bouge, mais jamais il ne quitte ce socle ; il est renforcé chaque jour. »
Les mots d’une célèbre chanteuse française me reviennent à l’esprit : « Je laisse le vent emporter tout... laisse le vent prendre soin de tout... » Je me dis alors qu’avoir confiance en la vie, c’est comme se retrouver au bord d’une falaise et sauter en sachant que forcément il y aura un filet pour nous recevoir. La seule difficulté étant qu’on ne voit le filet que lorsque l’on a sauté...

Crédit photo : Pixabay

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