Cogito cogitatum
« Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un esprit paisible. Tout le reste suivra, à point nommé, une fois votre mental apaisé. Comme le soleil, à l’aube, met le monde en activité, ainsi l’éveil à soi-même opère un changement dans le mental. À la lumière de la conscience de soi, calme et stable, des énergies intérieures s’éveillent et provoquent des miracles sans aucun effort de votre part. » (Extrait de « Je suis », de Sri Maharadj).
60.000 pensées par jour ! Je relie, c’est bien çà. Selon Marci Shimoff, célèbre auteure, l’être humain brasse 60.000 pensées en 24 heures, ou plutôt en une quinzaine d’heures de présence éveillée. L’homo sapiens est un « serial penseur ». Plus concepteur que bâtisseur, il ne cesse de projeter, d’échafauder, de construire, de bâtir, de débâtir et de reconstruire des scénarios dans ses 1400 cm³ de cerveau.
Il est bientôt minuit, et j’en déduis que depuis ce matin sept heures, quelque 60.000 pensées m’ont traversé l’esprit. Peut-être même plus, car je dois bien l’avouer, je travaille sacrément de la cafetière ! Si j’en crois cette étude, il semblerait également que la presque totalité de mes pensées soit identique à celles de la veille, de l’avant veille, et cela peut encore remonter plus loin. Cela me conforte dans mon impression de tourner parfois en boucle. Mais le pire reste à venir. Je découvre que 80 % de mes pensées sont négatives, et que cette sale manie à voir tout en noir remonte à mes origines préhistoriques. Il est vrai qu’en ces temps reculés, l’homo sapiens avait intérêt à ressentir un sentiment de peur face à tous les dangers qui le guettaient, cela pour assurer sa survie. Les prédateurs, les cieux, les dieux, les orages et les peurs irrationnelles et métaphysiques de toute sorte ; la vie n’était pas un long fleuve tranquille !
Le problème c’est qu’en ce XXIe siècle, mon néocortex que je trimballe depuis 3,6 millions d’années, n’est toujours pas fichu de me dire que je ne risque plus chaque matin de me faire dévorer par un tigre à dent de sabre affamé, ou de me prendre un coup de massue par le voisin du dessus. Lui aussi, mon voisin, a évolué. En un peu plus de trois millions d’années, le poids de son cerveau est passé de 400 grammes à 1400 grammes pour une centaine de milliards de neurones. Alors, pourquoi suis-je toujours en proie à des peurs et à des pensées négatives ? Peut-être parce que finalement le monde n’a pas tant changé que cela. L’homme est encore un animal dominant et toujours aussi irrespectueux de son prochain.
J’ai bien conscience que mon néocortex, surtout le préfrontal droit tourne à plein régime et ne me laisse pas une seule minute de silence à moi. C’est d’ailleurs pourquoi je me suis mis à la méditation ; non pas pour passer de 60.000 pensées par jour à 50 ou 40.000, mais pour tenter de les observer. Juste rendre compte de ce qui se passe en moi.
Observer ses pensées est déjà un gage de tranquillité, pourvu que l’on adopte le recul suffisant. Comprendre le sens profond de la méditation : ne pas lutter contre les pensées qui quoi-on fasse surgissent dans notre esprit, mais les regarder sagement défiler, aller, venir et s’en aller. Sans jugement et tel un spectateur regardant les images défiler sur un écran de cinéma. Surtout ne pas se laisser emporter par ce torrent qui nous emporte avec cette impression fâcheuse d’être pensé plutôt que de penser. Poser de la conscience sur ses pensées c’est déjà ralentir les eaux furieuses de notre psyché, désactiver le pilotage automatique. Poser réellement de la conscience sur quelque chose, que ce soit sur son corps ou sur quoi que ce soit, apporte un grand sentiment de paix. S’approcher au mieux de la pensée racine, car au départ de cette pensée, il y a la conscience pure, cette conscience d’où tout vient. Mettre de la conscience sur les choses, c’est commencer à sortir du pilotage automatique dans lequel nous entraine notre mental. Lorsque l’on devient le pilote conscient de ses actes le silence et la paix s’installent. Il n’y a rien à faire de plus, la vie s’occupe de tout.
Il est maintenant temps de dormir... cogito cogitatum, je pense que je pense. Si je continue ainsi, je pense que je vais faire exploser mon quota de pensées journalières !
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