Vivre dans le présent

Publié le par Marc

Vivre dans le présent

Pour reprendre une maxime bien connue : « Plus que l’objectif c’est le chemin qui compte ».

On anticipe plus souvent notre bonheur qu’on ne le vit en l’instant. Nous ne sommes que trop rarement satisfaits de notre présent et nous nous réconfortons en nous projetant dans l’avenir.
« Quand j’aurai ceci ou serai cela, je serai heureux » a-t-on pour habitude de se dire. Les projets ne nous comblent pas en soi, mais nous aident à supporter notre quotidien, surtout quand celui-ci est terne et dénué de sens. Même réalisés, ils ne nous satisfont jamais vraiment et nous passons rapidement à autre chose.
Le bonheur est sur le chemin, en l’instant et lorsque l’on pose un pied devant l’autre. Dans nos vies trépidantes, nos projections, prévisionnels et autres business plans, nous nous devons de ralentir notre marche pour sentir simplement nos pas sur le sol. Marcher tout en sachant que la destination n’est pas le plus important. Reconnaître chaque pas et prendre conscience du perpétuel devenir de notre existence. Recevoir les choses naturellement, telles qu’elles s’offrent en l’instant, c’est ouvrir notre conscience au monde et à tout ce qui nous entoure.

Carpe diem
(Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain).

Cette locution latine est connue de tous, mais la met-on vraiment en œuvre, ne serait-ce que quelques instants chaque jour ? Pourtant, aucun d’entre nous ne songerait à remettre en cause son bon sens. Ces deux mots, quoique galvaudés, sont en soi l’essence même de la vie. On pourrait les combiner avec la célèbre phrase de Jésus : « À chaque jour suffit sa peine » même si cette dernière porte en elle une connotation négative.
Dans notre société, vous pouvez dire que vivre au présent sans se soucier du lendemain, apprécier les fruits de chaque instant de notre existence, c'est difficile, voire impossible. Certes, mais se soucier du lendemain, c’est renoncer au plaisir du moment, et sacrifier ce précieux instant, ce n’est pas vivre. Alors, plutôt que de se mordre sans arrêt la queue, ne vaut-il pas mieux tenter de voir les choses autrement ? Essayer de capter le présent pour construire son avenir, puisque c'est là que les réponses se trouvent, même si l’on plonge naturellement dans le passé pour y chercher quelques références.
Si je n’anticipe pas mon avenir, je vais le subir, diront certains. Mais qui parle de bannir toute projection ? Il est bon pour chacun de se projeter dans le futur et d’y découvrir un fantastique monde de potentialité. Mais il est également bon d'avoir confiance en la vie (et ce même avenir) sans vouloir nécessairement tout verrouiller et vivre dans l’obsession du risque zéro.
Il y a deux façons d’échapper au présent : l’une consiste à ne compter que sur l’avenir et à s’y projeter perpétuellement. L’autre consiste à vivre dans le passé, ressasser ses échecs ou au contraire, regretter le bon vieux temps. Il est surprenant de constater le nombre de personnes qui ne se satisfont pas de leur présent. Les uns regrettent leur jeunesse ou leurs périodes fastes. Les autres ne vivent même pas dans leur siècle et aimeraient être nés à une autre époque. Dans tous les cas, ces comportements nous installent à la périphérie de notre vie et nous isolent de la réalité et de fait, de notre être profond qui lui, s’épanouit dans le présent.
Il y a aussi ceux qui veulent tout maîtriser, qui verrouillent tout, se protègent de tout et qui ne laissent pas la moindre chance aux formidables opportunités que nous offre la vie de nous exprimer. Prendre une police d’assurance, c’est bien, s’ouvrir aux événements qui jalonnent notre vie, c’est mieux. Accepter que le « destin » s’engouffre dans notre vie la rend plus sereine. Alors bien sûr, ce « destin » peut revêtir différentes formes. Il peut être joyeux, mais aussi terriblement triste. Et alors ? Faisons comme nos petits vieux qui, assis sur leur banc, déclarent « C’est comme ça, c’est la vie ! ». Sans tomber dans le fatalisme ni vouloir prendre un malin plaisir à recevoir des coups sur la tête, il est un juste milieu à adopter. Profiter du bon, mais accepter aussi le pire lorsqu’il se présente et qu'on ne peut l'éviter.

Écoutons Swamî Prajnampâd :
« Quelque chose est arrivé… Oui c’est ainsi ».
Simple, direct, rien à redire. Certains trouveront dans ces mots une forme de naïveté ou de fatalisme, d’autres y percevront un enseignement, à chacun sa sensibilité.
Plus précis et plus explicite, venant du même auteur :
« Un événement désagréable est arrivé ? Embrassez-le et prenez-en possession. Si un événement vous déplaît, alors débarrassez-vous-en et si cela n’est pas possible, acceptez-le, embrassez-le aussi. »
Vivre au présent signifie donc accepter de recevoir les choses en l’état, telles qu’elles nous sont offertes. Accueillir les événements, les pensées, les émotions avec le recul de celui qui observe. En s’exerçant un peu, il est facile de tenir cette attitude d’observateur détaché. Il suffit de décentrer son attention et reculer d’un pas mentalement. Fixer sa conscience en arrière de nous-mêmes et envisager les choses tel un observateur qui se trouverait derrière nous. Cette pratique peut paraître un peu simpliste, mais personnellement, lorsque je l’applique, elle me permet toujours de prendre un sage recul sur mon mental et m’aide à voir et ressentir les événements autrement.
Pour vivre en présence, rien de mieux qu’une promenade dans la campagne. La nature est une formidable source d’inspiration et elle a le don de nous ramener à notre condition d’être vivant. La marche est un merveilleux support pour prendre la mesure du temps, en l’occurrence, du temps présent. Elle permet d’amener un pas vers l’autre sans se soucier du suivant, car on sait pertinemment que ce dernier se fera. C’est dans cette attitude que s’installe peu à peu en nous une forme de confiance et de sérénité. Que l’on devient présent à ce que l’on fait, et par là même, bien plus créatif. Au bout de quelques promenades en toute conscience, il est surprenant de voir comment s’installe doucement l’être présent et attentif qui est en chacun de nous.

Comme le dit si sagement le Maître zen Ouei-Neng :
« Le vrai miracle n'est pas de marcher sur les eaux ni de voler dans les airs : il est de marcher sur la terre. »
Bien entendu, au début, on tombe dans le piège du vouloir. « Je vais faire ma promenade et tenter de soutenir mon attention pour rester dans le présent », bref, je vais forcer ma démarche méditative. Rien de tout cela, partons nous promener pour nous promener, un point c’est tout ! Une fois dans les bois, lâchons prise et n’essayons surtout pas de nous fixer un objectif, ce serait la meilleure façon de passer à côté de l’essentiel. Seul l’acte doit nous habiter, sans attente de résultat. Si des pensées intruses nous assaillent, observons-les et laissons-les défiler. Il s’agit là de ne pas lutter et d’éviter les « Il faut » et les « Je dois ».

Certains pensent que les techniques de méditation consistent à chasser toutes les pensées que l’on a dans la tête. Bien sûr, instaurer un peu de calme dans son esprit c’est bien, mais observer simplement, c’est pas mal aussi, et observer sans prendre part, c’est encore mieux. Il suffit de débusquer l’observateur tranquille qui est en chacun de nous. Ce bienfaiteur ne se révèle que lorsque l’on est dans une démarche d’acceptation et de non-conflit. Observer ses pensées défiler, bonnes ou mauvaises, sans jugement, est bien plus utile que s’arc-bouter sur une ferme volonté de chasser tout intrus de son esprit. Soyons et observons, tout simplement.
Il en est de même lorsque nous décidons d’aller à des cours de relaxation, de yoga ou de méditation parce que nous en avons assez d’être stressé. La démarche est bonne, mais ce n’est pas suffisant. Nous suivrons notre apprentissage pendant un certain temps, peut-être même de façon régulière, mais un jour ou l’autre, comme c'est souvent le cas, notre être tout entier conditionné nous ramène inexorablement dans nos travers.
Les « Il faut » et « Je dois » ne sont valables que pour notre fonctionnement en société et les objectifs que nous nous y fixons. Quand il s’agit de chercher en nous la racine de notre bonheur, notre demande ne doit pas se faire dans la force et la contrainte, mais doit s’accompagner d’une grande réceptivité et se nourrir simplement du présent.
Apprenons également à être attentifs à ce que l’on fait. Quand on se brosse les dents, on se brosse les dents, quand on fait la vaisselle, on fait la vaisselle. Cela dit en passant, faire la vaisselle est un excellent support à la méditation ! Être à ce que l’on fait permet de prendre la mesure du temps. L’exploit n’est pas d'accomplir des choses extraordinaires, mais d’exécuter des gestes simples en pleine conscience. Il est plus facile de traverser la Manche à la nage que de vivre les tâches quotidiennes en toute conscience et dans l’amour du présent.
La grâce du présent est une notion très subtile. Elle s’incarne dans ce que l’on est et l’on fait ici et maintenant. Elle est l’observateur tranquille de la réalité et non pas de notre réalité, car notre réalité passe trop souvent par le prisme de nos croyances. Elle ne dépend pas d’un vouloir, mais se dévoile lorsqu’on ne l’attend pas et que l’on a lâché prise. Cette faculté d’abandon est essentielle, mais de cela il sera question dans un chapitre dédié.
Vivre peut se conjuguer de mille façons, mais VIVRE, c’est avant tout se sentir vivre. Recevoir les choses comme elles sont et non déformées par tous nos conditionnements. Interagir avec soi et les autres avec le plus de lucidité possible.
Tout cela ne peut se faire que si l’on est bien ancré dans le moment présent, ne faisant référence ni au passé ni à l’avenir. Bien sûr, sur le plan purement pratique, nous avons besoin de retourner dans notre passé pour y puiser des références. En revanche, elles ne nous sont plus utiles quand il s’agit du plaisir de vivre dans sa plus simple expression.

Au beau milieu des gâteries matérielles, corporelles ou même intellectuelles que nous nous octroyons, apprenons donc à ressentir le simple fait de vivre. Prendre conscience de cette énergie qui nous maintient sur nos deux jambes et qui fait tourner le monde. Il n’y a pas plus simple que d’accueillir l’instant.

Ta vie ne sera heureuse que si tu parviens à la célébrer en l’instant.

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Crédit photos : Pixabay

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